Et puis elle était partie.
Partie se balader dans ce parc au croisement de la rue St Lazare et de l'avenue Charles de Gaule.
Partie comme on partirait au bord de la mer, voir s'échouer les vagues, pour se changer les idées, un peu.
Partie là-bas parce qu'ici des plages il n'y en a pas vraiment.
Il était tôt ce matin quand elle s'est réveillée nue, dans ses bras. Je vous ai dit tôt ? En fait non, il était dix heures passées. Elle l'avait regardé, un petit peu, en essayant de voir au travers de sa chaire ses sentiments. Il l'aimait, enfin c'est ce qu'il disait. Et puis elle s'était regardée elle, trop longtemps et ça l'avait dégoûtée. Elle se donnait la nausée et ne le supportait pas. Alors elle était partie.
Elle avait commencé par rassembler ses affaires, étalées un peu partout dans le studio où la soirée de la veille avait été assez mouvementée, puis s'était ensuite rhabillée. Elle s'était servie un café et avait mis un peu d'ordre dans le salon. Avant de partir elle avait déposé un baiser sur le front de son amant, posé ses clefs sur la table de nuit, sur les petits mots "je suis désolée, n'essaie pas de comprendre." et elle avait quitté l'appartement.
Elle avait marché jusqu'au parc, environ vingt minutes.
Il faisait froid dehors, son banc l'était aussi, du coup elle tremblait mais elle s'en foutait. Plus rien n'avait d'importance à ses yeux maintenant. L'homme assis en face, ne semblait pas l'avoir remarqué, il avait l'air aussi pensif qu'elle. Elle aurait aimé s'asseoir à côté de lui et lui demander "Et vous, qu'est ce qui vous tracasse ?" mais elle n'avait pas osé.
Toute sa vie reposait sur des actes qu'elle n'avait osé réaliser. Combien de fois, combien de personnes, d'hommes, combien de métiers et de rêves avait-elle laissée passer ou déçut à cause de ça, parce qu'elle n'avait pas osé. Tout ça l'avait conduit à se retrouver ce mercredi matin, dans ce parc, sur ce banc.
Aujourd'hui, elle en arrivait à la conclusion qu'elle n'avait rien fait de sa vie. Que ce qu'elle avait exercés, elle l'avait fait sans aucune passion, ses histoires d'amours, on n'en parlait même pas, car ça n'avait été que suite de flirts ou amour d'un soir et de passage, quant à ses amis ils ne la connaissent même pas. Enfin si, un ou deux peut-être, et encore. Elle s'était toujours cachée derrière ce masque de fille attentive, heureuse, à qui tout va bien. Tellement qu'elle même avait fini par y croire. Personne n'avait vraiment essayé de voir ce qui s'y tramait derrière et à la limite elle n'avait rien fait pour qu'ils le découvrent. Elle ne se confiait pas et ne savait pas comment faire. Après tout personne tous s'en accomodaient bien, ça ne les dérangeait pas et son masque leurs plaisait bien. Pourquoi alors essayer de la démasquer ?
Elle était partie regretter sa vie passée sur un banc, dans un parc, où tout le monde avait l'air de faire comme elle. Elle y était restée à tout casser une heure, peut-être plus. Finalement elle s'était levée et était rentrée à l'appartement. Elle avait ouvert la porte doucement et posée ses affaires. Comme heureusement il dormait encore, elle avait reprit ses clefs, déchiré son mot et avait à nouveau déposé un baiser sur son front. Elle s'était ensuite déshabillée et allongée près de lui. Entourée de ses bras, elle avait arrêté d'y penser, fini par trouver ça normal et trouver le sommeil.
Après tout qui se souciait de ses problèmes.