Fantasme au pluriel. Je n'appartiens qu'à moi.

Mercredi 26 janvier 2011 à 20:19


Quand je suis arrivée tu crachais déjà tes boyaux par terre. Une marre de sang gisait près de toi et s'écoulait jusque plus loin dans le caniveaux. Au fond qu'est ce que j'aurais bien pu faire de plus ? On m'avait appelé dès que possible, mais il était trop tard. Tu crevais sous mes yeux, la larme à l'oeil, sûrement plus parce que je te voyais dans ce sale état, qu'autre chose. Quelque part tu te doutais bien que la situation n'aurait pu durer éternellement comme ça. Entre deux mesures. Deux morceaux de piano. Et deux sauteries d'un soir.

Je le savais bien que je n'y pouvais plus rien. Que ce n'étais plus qu'une question de temps. Mais toi comme moi nous détestions ces silences interminables, ces blancs presque de mort, entre deux personnes qui ne savent quoi se dire. Nous ça ne nous était jamais arrivé. Au contraire parfois on en avait trop sur le bout de la langue. Impossible alors de se la fermer. Mais là ce soir tu crevais doucement, et je n'avais rien à te dire.

C'était bien ta veine, après la vie que tu avais menée, tu laisserais une dernière marque blanche de toi, entre les eaux croupies, les rats dégouts, entre les voyeurs de passages qui s'interrogeaient et les flics, ses incapables. Une belle vie que tu nous avais pondue là. Du sexe, de la drogue, un peu de sang, d'action et encore du sexe. Je t'enviais beaucoup tu sais, mais qu'est ce qu'on s'en foutait maintenant. Ca n'avait plus d'importance !

Et puis j'en ai eu marre de faire comme si de rien n'était, de ce silence de mort gênant qui s'installait peu à peu. A l'instar de tous ces pédants qui ne savent jamais quoi se dire, je préférais tomber dans les phrases bateaux pour combler le vide, plutôt que d'endurer encore ce silence affreux. Je n'allais décemment pas te laisser mourir comme ça. Alors je craquais :
-" Besoin de quelque chose ? Qu'est ce qui pourrait te faire plaisir ? J'aurais tellement aimé faire plus pour toi ..."

Tu encaissas le coup. Esquissas un sourire. Puis tu te servis de tes quelques dernières forces pour te foutre de ma gueule dans un éclat de rire plutôt inquiétant. A croire que notre métier ne m'avais vraiment rien appris. A voir crever les autres régulièrement, ça ne vous apprend pas pour autant à assumer la mort d'un proche. Et ironiquement tu hoquetas :
-" Un nouveau coeur. Que l'on inverse nos rôles. Moi aussi ..."

Saugrenu !
J'ai toujours trouvé saugrenu ton incapacité à prendre les choses sérieusement. D'autres y verraient une qualité, tout prendre à la légère, quelle chance ... Mais moi pas. Je trouvais ça agaçant et par ailleurs, plus que déplacé, pour continuer jusque que le jour même de ta mort. Tu me diras tu n'es pas plus en tord que moi. A croire que notre métier ne t'avais rien appris non plus. A être risible seulement.

A voir crever les autres régulièrement, ca ne vous apprend pas pour autant à assumer les choses le jour votre propre mort.

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Moments d'égarements

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